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Affichage des articles du avril, 2023

Photos de classes - 1973 # 1 : Pink Floyd, "Time"

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Aujourd’hui, on fête le cinquantenaire d’un des plus grands albums de tous les temps, en tout cas de celui qui est jugé comme tel pour une grande majorité de mélomanes – et d’audiophiles – de toutes générations : Dark Side of the Moon . Commençons par évacuer mon commentaire pisse-froid du jour : ce n’est ni mon album préféré de Pink Floyd, ni même mon deuxième. Mais c’est celui qui synthétise le mieux le groupe pour n’importe qui, en capitalisant sur les meilleurs moments de Meddle pour construire une œuvre comme on en entendait peu en 1973, et qui marque la deuxième étape d’une formidable série d’albums majeurs de la décennie. Parmi les quelques moments marquants de cet album culte, « Time » est sans doute celui qui contient le plus grand nombre de gimmicks caractéristiques du groupe anglais. Les enregistrement de réveils introductifs arrivent à point nommé pour secouer l’auditeur après les expérimentations un peu datées du titre précédent. S’ensuit une longue, très longue introduc

Moi je dis ça... Robert Fripp est le grand guitar hero des 70's

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  J’ai toujours rêvé d’être un guitar-hero. Pour moi c’était mieux que d’être président. Ca voulait dire être quelqu’un. Les guitar-hero ne sont pas des musiciens comme tout le monde, ils font ce qu’ils veulent et c’est parfois simplement pour les voir qu’on prenait un ticket pour leur groupe. Comme pour des sportifs de haut niveau, j’étais fasciné par leurs gestes, leurs manies, leur posture et chaque interprétation révélait des capacités hors du commun. Et pour moi, ces derniers devaient tous respecter un certain style : cheveux longs, chemises ouvertes, guitare au niveau de la taille et surtout, un mutisme à tout épreuve. Je concédais à certains, pour des raisons pratiques, qu’ils soient obligés de chanter de temps à autre, mais le pur guitar-hero était celui qui ne se met sur le devant de la scène que pour son solo. Évidemment, tout cela est très stéréotypé d’un point de vue musical : il faut un groupe de rock, de 4 ou 5 membres, assez ambitieux pour étirer ses morceaux et donner u

Le jour où j'ai vu The Big Lebowski avec des adolescents

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Panel des expressions faciales par lesquelles je suis passé ce matin là. C’était la semaine dernière. Quelques cheveux blancs sur les tempes et des cernes qui trahissent une jeunesse de plus en plus lointaine, je mène comme un troupeau de moutons dociles mais fatigués une soixantaine de lycéens à travers le centre-ville. C’est ramadan, certains sont debout depuis quelques heures et semblent déjà pressés de faire la sieste. Arrivés devant le cinéma, je suis satisfait, nous sommes en avance, personne ne s’est perdu ni précipité devant un feu rouge. Le programme de la matinée est simple : plonger les élèves dans une salle obscure pour la troisième fois en espérant atteindre, au moins en partie et pour quelques élèves, quelques objectifs simples. Appréhender un film dans toute sa dimension rituelle, à l’heure de l’addiction généralisée de nos adolescents pour les formats courts et assez rarement fictionnels. Et puis, peut-être, éveiller leurs goûts, les confronter à une certaine altérité,

Photos de classes - 1963 #3 : Bob Dylan, "A Hard Rain's A-Gonna Fall"

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Aujourd'hui, on fête l'anniversaire de la révélation du génie de Bob Dylan au monde. Après un premier album essentiellement constitué de reprises qui avait surtout intéressé le petit milieu folk new-yorkais, 1963 est l'année où paraît The Freewheelin', qui amorce à la fois l'explosion médiatique du jeune Dylan, mais aussi la reconnaissance de son immense talent d'auteur.  De tous les titres phares de cette époque, "A Hard Rain's A-Gonna Fall" est probablement la chanson qui résume le mieux ce qu'incarne le chanteur aux yeux du public. Caractéristique de cet esprit de synthèse qui lui vaudra un demi-siècle plu tard le prix Nobel de Littérature, la structure du texte offre un parfait exemple d'une narration typiquement folk avec une construction organisée autour de structures poétiques répétitives, qui ne sont pas sans rappeler certains auteurs passés ou contemporains. Parmi eux, le fantôme du Howl de Allen Ginsberg plane, notamment par sa c

Comme un air... David Bowie, génie éclectique et chromatique

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Vous préférez être vu comme génie sans être compris ou connaître le succès en passant pour un opportuniste ? Estimé de votre mort ou critiqué de votre vivant ? David Bowie, lui, a fait les deux. Personnage complexe au point de rendre vaine toute tentative de synthèse, Bowie a je crois dû composer toute sa vie avec une certaine incompréhension. Ambitieux et d’une curiosité sans limites, son talent et son originalité ont, à leur époque, toujours été perçus à l’aune de son succès. Encore aujourd’hui, les exégèses de Bowie paraissent lui accorder plus de crédit dans ses relatifs échecs commerciaux que dans ses heures de gloire. Parmi son œuvre, un album concentre l’attention en ce qu’il est trop parfait pour être unanimement apprécié, et trop singulier pour être négligé : on parle bien sûr de The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars . Album concept un peu puéril sans doute, pinnacle intouchable du glam rock dans tout ce qu’il a d’excessif et de ridicule, incarnation la

Boygenius : le retour des filles prodiges

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boygenius - the record (Interscope, 31 mars 2023) Je sais que j’ai une fâcheuse tendance à laisser des vides. Avant cette année, le dernier article de ce blog était mon bilan de l’année 2017. Je n’avais pas encore 30 ans, et on était parfaitement outrés de la présidence Trump pendant que tous les médias internationaux saluaient la modernité de notre jeune président. La vague #MeToo venait tout juste de partir sans qu’on en mesure encore à quel point elle allait transformer radicalement toutes les relations personnelles dans tous les milieux, artistiques, politiques et professionnels. En 2017, aucun média conservateur n’était paniqué à l’idée du mot « woke », on ne savait pas encore ce que c’était d’être « cancel » et on ne voyait pas de problème particulier avec le mot « boomer ». Et donc, ce bilan était plus couillu que la terrasse d’un bar PMU : en 23 artistes cités, seulement deux femmes : Julien Baker, et Courtney Barnett qui partageait l’affiche avec le bien-aimé Kurt Vile. L’ann

Photos de classes - 1963 #2 : The Beatles, "All my Loving"

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 Aujourd'hui, on fête l'anniversaire de tout un tas de chansons des Beatles, puisqu'il y a 60 ans ils plaçaient des n°1 avec une facilité que personne n'avait eu avant eux. Parmi la multitude de titres qui caractérisent le groupe à ses débuts, j'ai choisi une chanson issue de leur deuxième album, qui montre davantage que le premier le potentiel du groupe en allant au-delà d'une collection de chansons pastichant le style américain à la sauce britannique. Avec "All my Loving", on reste dans les thèmes amoureux occupant la quasi totalité des chansons de l'époque, mais c'est musicalement que le miracle se produit en amorçant le style de composition qui se perfectionnera jusqu'à Sergent Pepper. McCartney écrit et propose la chanson qui pourrait très bien être enregistrée sans modifications, si ce n'est que Lennon propose cette rythmique ternaire qui caractérise depuis les couplets et s'interrompt brusquement pour le refrain, joué plus ro