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Affichage des articles du mars, 2023

Le jour où j'ai vu Sonic Youth

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Eté 2007, quelque part en Bretagne. Des cheveux longs et gras tombent sur mon sweat à capuche. Je m’habille comme un skateur mais je préfère le vélo. Les résultats du bac son tombés il y a quelques semaines. Mention Assez Bien avec 13,89 de moyenne. Ces bâtards ne m’ont même pas donné un point supplémentaire en Physique-Chimie pour que j’atteigne la mention Bien. Sans doute dois-je déjà m’estimer heureux d’avoir obtenu de telles notes compte tenu de ma médiocre scolarité ces deux dernières années. Pour être franc, je dois aussi cette moyenne flatteuse à mon interprétation de « Ball and Biscuit » en option musique qui a semblé faire son petit effet. La pratique de la guitare occupe toutes mes journées et je quitte l’école de musique en jouant le solo introductif de John Frusciante lors du concert des Red Hot Chili Peppers à Slane Castle en 2003 . Les vrais savent, mais dans mon village de 1500 habitants, je passe pour un génie. Il faut dire que je n’ai pas insisté sur l’origine de cette

En boucle : En attendant Ana, l'hiver est fini

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Je crois que j’en avais sérieusement besoin. J’avais même fini par oublier ce sentiment. Depuis le début de l’année et ce, sans vraiment le chercher, je ne trouvais de satisfaction que dans les sons les plus noirs, les plus dissonants et déstructurés, comme si au fond je ne souhaitais pas vraiment trouver ni apaisement ni sérénité mais simplement me vautrer dans des ambiances malsaines sans le moindre confort. Restons honnêtes cependant et avouons le, je fais partie de ces personnes qui aiment tout repeindre en noir et qui y trouvent un réel plaisir. Mais il y a malgré tout un certain épuisement à toujours être dans la joie finalement très intellectuelle de la brutalité, de l’anormal et du chaos. Alors oui, j’en avais sérieusement besoin et peut-être que n’importe qui aurait pu faire l’affaire. Fort heureusement, ce fut un groupe français nommé En attendant Ana qui se chargea de panser mes plaies soigneusement entretenues, et je ne peux pas croire que quiconque aurait pu se charger de

Photo de classes - 1963 #1 : The Ronettes, "Be my Baby"

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 Aujourd'hui on fête - ou peut-être devrais-je dire "commémore" - l'anniversaire d'une des plus grandes chansons des 60 dernières années. Difficile d'éviter Phil Spector en 1963, pionnier de nombreuses techniques de studio qui inspireront notamment Brian Wilson chez les Beach Boys et George Martin chez les Beatles, deux groupes dont l'influence musicale sur la décennie n'est plus à prouver. Mais comme je le disais, ne négligeons pas la pointe de malaise qu'il peut y avoir à célébrer cette chanson qui cache un destin dont on connaît désormais toute la tragédie. Fondatrice du groupe, Ronnie Bennett devient l'épouse de Spector, grâce auquel les Ronettes connaissent leurs plus grands succès. Malheureusement le producteur se révélera être un psychopathe qui, en plus de séquestrer sa femme dans des conditions horribles, se montrera assez souvent violent, amateur d'armes à feu et finalement meurtrier, finissant ainsi sa vie en prison. Ronnie lui s

Un guide à travers l'année 1977

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Il y a une bonne part d’aléatoire dans la qualité d’un millésime. Innovations technologiques, émulation entre artistes, stratégie de l’industrie musicale, tous ces facteurs ont produit, à intervalles réguliers, des amoncellements de chef d’œuvres en quelques mois qui font aujourd’hui pâlir. On pense à 1966 ou 1971 pour les plus classiques, mais j’ai pour ma part décidé de me tourner vers l’année 1977 qui voit fleurir une quantité considérable de mes albums chouchous, d’artistes estimés et de péchés mignons. Et pour un historien de formation comme moi, la distorsion entre ce qu’on ressentait à l’époque et ce qu’on en retient aujourd’hui est tout à fait passionnante. Dans la chronologie du rock-critic, on retient surtout la lente chute du classic rock qui rayonnait depuis près de 10 ans et la naissance de courants underground qui allaient renverser la décennie suivante comme le punk, le hip-hop voire le métal. Mais à y regarder de plus près, c’est surtout l’apogée de l’épiphénomène disco

Model/Actriz : Eros et Thanatos

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Model/Actriz - Dogsbody (True Panther, 24 février 2023)   Les choses sont parfois si évidentes qu’on pourrait presque en être effrayé. A l’heure des intelligences artificielles, c’est avec un désir mêlé de crainte qu’on s’approche d’un objet qui paraît avoir été conçu spécifiquement pour vous plaire. Désir d’être potentiellement touché par une épiphanie, de connaître un bouleversement émotionnel comme on sait qu’ils peuvent arriver parfois, et cependant crainte que tout ceci soit trop beau pour être vrai, que le tout soit inférieur à la somme des parties et que, peut-être, à force de trop le vouloir on se prive de la révélation tant espérée. De retour après presque trois ans de silence depuis leurs premiers singles prometteurs, c’est dans cet état d’esprit qu’on accueille le premier album de Model/Actriz, groupe new-yorkais adoubé par une partie de la critique américaine et cité régulièrement comme une des sensations à venir en 2023. La recette est simple et déjà connue : les guitares

Moi je dis ça… Rob Gordon a des goûts très discutables

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Dois-je présenter High Fidelity ? Roman culte de n’importe quel gars aussi préoccupé par ses errances sentimentales que par la taille de sa discothèque, il a révélé au monde la psyché tourmentée des mélomanes dans lequel la plupart des aspirants rock-critic que sont les blogueurs se sont certainement reconnus, au moins en partie. Parmi les traits de caractère les plus communs et les plus faciles à apprivoiser, cette satanée manie de faire des top 5 pour n’importe quoi est celle à laquelle je cède le plus souvent. Assez nombreux dans le roman, ils constituent à la fois le gimmick et le fil rouge du monologue interne de Rob Fleming, propriétaire de Championship Vynil, un magasin de disques à Londres. Sans considérer que le film est meilleur que le roman, quand bien même il parvient à incarner aussi bien que possible des personnages dont on aime plus les défauts que les qualités, c’est cependant vers lui que je me tourne aujourd’hui. L’action a été déplacée à Chicago, et Rob s’appelle dé

Photo de classes - 1953 : Ray Charles, "Mess Around"

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Aujourd'hui on fête l'anniversaire d'un des premiers tubes de Ray Charles après sa signature chez le label Atlantic, dans son style rythm & blues au piano caractéristique. Ecrite par le producteur d'Atlantic Ahmet Ertegün, on y trouve déjà en germes ce qui fera les plus grands succès de Ray Charles à la fin de la décennie. Côté musique, la scène qui lui est consacrée dans le biopic Ray est éloquente : des paroles sans réel autre propos que d'inciter à la danse, et un jeu de piano "stride", c'est-à-dire assez technique et démonstratif en improvisant sur un rythme swing à un tempo assez élevé.       Ray Charles and his Orchestra - "Mess Around" (1953)       D'autres chansons notables cette année là: B. B. King, "Woke up this Morning"

Comme un air... Algiers / Young Fathers : espaces musicaux non-genrés

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Vous voyez plutôt la fusion comme une addition, ou comme un création ? Plutôt salad bowl ou melting pot ? En février, deux groupes ont montré chacun à leur manière qu’on pouvait faire les deux. Quand on pense à l’idée de fusion, les parisiens ont peut-être en tête des restaurants étranges qui proposent le pire et le meilleur de la gastronomie mondiale. On peut aussi penser à de grandes manœuvres juridico-financières entre deux entreprises désireuses d’accroître leur monopole tout en réduisant leurs effectifs. Musicalement, viennent en tête d’innombrables tentatives pour assez peu de réussite. Pas de quoi ouvrir l’appétit au moment de se plonger dans les nouveaux albums de deux groupes connus pour leur goût du mélange. Deux albums foutraques, déroutants, parfois décousus, copieux et sans doute indigestes pour certains, mais surtout, pour filer la métaphore – retour de Top Chef oblige - on cédera pour cette fois au vocabulaire insupportable du monde culinaire en les qualifiant de généreu