Orwell / A Hawk and a Hacksaw

« Voyager, c'est bien utile, ça fait travailler l'imagination ». Derrière cette citation de Céline se cache une réalité dont on a la preuve très régulièrement. Et cette semaine, ce sont pas moins de deux albums qui en témoignent, chacun à leur manière. D'un côté il y a Orwell, groupe mené depuis plus de 10 ans par Jérôme Didelot, qui se retrouve pour la première fois seul aux manettes pour ce nouvel album intitulé Continental. Et de l'autre, A Hawk and a Hacksaw, fondé par Jeremy Barnes, ancien membre de Neutral Milk Hotel accompagné de Heather Trost, violoniste chez Beirut. Chacun à leur manière ils montrent que la musique est une des meilleures façons d'exprimer tout ce que les voyages ont pu nous apprendre, ou au contraire que la musique est une des meilleures façons de simuler le voyage et d'exalter l'exotisme, sans sortir de chez soi.

L'album d'Orwell est sans conteste le moins immédiatement exotique aux oreilles. Mais il n'en est pas moins le fruit des voyages musicaux qui forment la culture musicale de Jérôme Didelot. Il abandonne en partie la langue française, comme pour que l'on se concentre d'avantage sur ses innovations musicales. En piochant autant dans la pop anglaise que dans le krautrock allemand, Orwell fait une pop qui semble au-dessus des frontières, dans un continent imaginaire né de la synthèse de tous ces courants musicaux. A la manière de Gabriel Garcia Marquez dans Cent ans de solitude, la musique d'Orwell évolue dans un endroit entre l'ici et le nulle part, ailleurs. La chanson éponyme illustre bien cela, jouant sur trois langues différentes pour nous perdre dans un entre-deux européen. Ce phénomène fonctionne aussi temporellement, comme en témoigne la chanson « Anytime is Now ». Continental est un grand melting pot d'influences pop de toutes époques, qu'elles soient savantes ou modestes, plus ou moins reconnaissables, mais toujours savamment dosées.


A Hawk and a Hacksaw suit quant à lui le schéma d'un autre chef d'œuvre de la littérature hispanophone. Comme son nom l'indique, Cervantine semble suivre les pas du Don Quichotte de Cervantes. A la manière d'un roman picaresque, la musique du groupe d'Alburquerque est plus itinérante. Elle est issue des voyages de Jeremy Barnes, et sa sonorité si particulière en fait un voyage à elle seule. Plutôt que de continuer à se battre contre les moulins de l'indie rock américain qui n'offraient sans doute pas assez de possibilités, A Hawk and a Hacksaw a décidé depuis longtemps de se réfugier en Europe de l'Est, dans un entre-deux bien réel, qui a accouché d'une musique bien propre. Entre accordéons, violons et cuivres, Jeremy Barnes et Heather Trost nous emmènent de la mer Baltique au détroit du Bosphore, en passant par les Balkans. C'est toute la culture d'un peuple voyageur né du voyage, malmené par les évènements, proche du centre du Vieux Continent et pourtant si éloigné qui revit avec la musique de Cervantine. On ne saurait dire si le voyage fut toujours bon, en tout cas il fut riche en péripéties, avec ses moments chaleureux et d'autres mélancoliques, mais toujours sincères.

Le voyage fait bel et bien travailler l'imagination. Qu'il soit purement intérieur et imaginaire comme chez Orwell, ou bien plus exotique et évocateur avec A Hawk and a Hacksaw, le voyage nous fait toujours perdre nos repères l'espace d'un instant, pour mieux nous recentrer sur l'essentiel, sur cette musique qui a traversé de nombreux paysages et de nombreuses oreilles avant d'arriver entre les nôtres. Chargée d'émotions et de modestie, la musique de ces deux groupes ne plaira sans doute pas à tout le monde, car la perte de repères peut donner l'impression de n'arriver nulle part comme certaines chansons d'Orwell, et le voyage de A Hawk and a Hacksaw peut paraître un peu trop mouvementé. Mais en tout cas, voilà deux albums qui auront eu le mérite de nous faire changer d'air le temps de quelques chansons.

Orwell - Continental:



En écoute sur Spotify. A lire également sur Hop Blog.

A Hawk and a Hacksaw - Cervantine





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Commentaires

  1. Ahah j'avais écrit la même chose dans mes premiers essais sur A Hawk and a Hacksaw. Partir de ce bout de Céline pour arriver à Don Quichotte.
    Fantastique disque n'empêche. Mieux que 7,8 hein ! :)

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  2. Ca me surprend pas que l'idée te soit également venue à l'esprit ! Sinon pour la note j'ai un peu tapé au pif, c'est assez difficile d'évaluer la portée que ce genre de musique peut avoir sur nous.

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  3. J'en suis aux premières écoutes du Hawk and Hackshaw. Bon, leur niveau ne se conteste plus. Ils sont un peu plus guillerets que sur le précédent, je trouve! Et ce n'est pas plus mal...
    :-s

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  4. je vois que tu as apprécié le orwell, c'est cool.

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  5. @Marsu: Ben en fait j'ai un peu de mal à différencier Cervantine et Delivrance dans leur globalité, mais tu as peut-être raison. Je crois que je préfère celui-ci d'ailleurs.

    @Benoit: Oui, il est vraiment sympa cet album, je trouve que sa petite sauce prend bien.

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  6. Super la nouvelle mise en page! Lisibilité maxi! Je cherchais cet après-midi un outil pour faire un défiliant du type du tien en haut à droite et je n'ai pas trouvé. Qu'est-ce?

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  7. Ca marchait pas en Belgique jusqu'à présent ? ^^ Le gadget pour faire défiler les images c'est "diaporama". L'inconvénient c'est qu'on ne peut pas associer de liens aux images.

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  8. Là, je crois que tu négliges mon grand âge. Diaporama, bien sûr! Mais où va-t-on le chercher? Je clique sur ajouter un gadget et après qu'est ce que je fais???

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  9. Alors, petit tutoriel: tu vas dans Blogger, onglet "présentation". Tu fais "ajouter un gadget", là tu choisis le diaporama.
    Ensuite, c'est là que ça se complique, il faut que tu attribue un album à ton diaporama ("configurer le diaporama"). Tu choisis le site qui héberge tes images, tu rentres ton identifiant et normalement ça fonctionne !

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  10. OK. Merci pour ces explications! Je termine quelques essais frucutueux. Et ça marche. Je voulais te le signaler parce que je ne vais pas nécessairement me servir de suite de ce nouvel acquis et donc tu n'en verras rien!!!
    ;-D

    Pour revenir à ta question moqueuse, vaurien, oui, oui, on a des diaporamas aussi en Belgique. Si tu viens une fois à la maison, je te passerai celui de mes vacances à Toremollinos. Tu pourras appuyer sur le bouton du projo et déterminer ainsi toi-même la longueur de la séance de torture. On a des bières spéciales aussi! Tu pourras en boire autant que tu veux. Et ça, Chimay, ça na rien de virtuel! ;-)

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