Back to the Future part 2: Spotlights
Tous ceux qui connaissent ce blog
savent bien que je ne suis pas underground à tout prix. Vous avez eu
le loisir de découvrir la face cachée de mes coups de cœur de
l'année dans la première partie de mon bilan, voici maintenant
l'autre face, celle qui a été sous les projecteurs durant toute
l'année. Tous ces albums qui ont été attendus avec impatience, sur
lesquels on s'est jeté dès le premier leak pour en faire
immédiatement le chef-d'oeuvre de la décennie ou qu'on a pris en
exemple pour se démarquer de la masse des gens qui écoutent ce que
les magazines influents leur disent d'écouter. Ces albums vous
définissent dans le monde des amateurs de musique, ils créent le
clivage entre les suiveurs et les défricheurs, ils font de vous un
mouton ou un snob. On en a beaucoup parlé, le plus souvent pour
affirmer sa posture davantage que pour marquer ses goûts. Et comme
je ne prétends pas faire partie des esprits supérieurs qui peuplent
Twitter et une partie de la blogosphère, il y en a quelques uns que,
naïvement, j'ai aimé, voire même adoré. Je prends de la hauteur
sur l'écume des opinions numériques pour vous présenter le
blogueur nouveau : le suisse, le modéré, le j'en-foutiste.
Telle sera ma posture. Il est temps de choisir vos pierres les plus
dures et vos plus belles fleurs, je m'offre à vous en reparlant des
albums qu'il fait bon adorer ou détester.
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(mais pas toutes) |
Commençons par l'album de la rentrée,
le « renouveau de la scène française », le « plagiaire
des années 80 », celui qui a eu l'audace de s'inspirer de
références jalousement gardées par quelques mélomanes pour en
faire un album grand public encensé en deuxième partie du Grand
Journal. Bien qu'ayant moyennement adhéré au tube « La
forêt », dont le chant monocorde ne me rappelait pas les
meilleurs moments des 80's, l'album de Lescop a été une vraie bonne surprise
pour moi. Son côté francophile est rafraichissant par rapport à la
horde de groupes du revival cold-wave qui peuplent les productions
françaises et internationales depuis quelques années, dont les
références se limitent quasi-systématiquement à Joy Division et
aux Cure. Evidemment, on retrouve les influences de ces deux groupes
incoutournables dans l'album de Lescop, mais aussi celles d'Etienne
Daho et de Taxi Girl, qui avaient à l'époque proposé une certaine
vision de la new-wave « à la française ». Ce parti pris
de chanter en français donne un tour tout à fait différent à ce
recueil de chansons qu'on ne se lasse pas d'écouter, contrairement à
d'autres groupes avec qui il partage son statut de leader d'une
nouvelle scène française (coucou Aline, vous êtes chiants comme la
pluie, bisous).
Traversons la Manche pour retrouver la
révélation anglaise de l'année, véritable aimant à hispters qui
a ouvert la Route du Rock avec une prestation humble et bien léchée,
qui manquait juste un peu de folie. On peut aisément comprendre
qu'Alt-J hérisse le poil de tous ceux qui souhaitent se démarquer
des jeunes moustachus aux mèches soignées – ce qui est mon cas –
mais une fois passé le cap de cet habit dans le vent, on découvre un
groupe d'une richesse incroyable. An Awesome Wave regorge de mélodies
bien trouvées, de compositions originales et de clins d'oeils
plaisants. La cohérence sonore du groupe tournant essentiellement
autour du batteur et du chanteur, tous les musiciens réussissent le
tour de force de proposer à chaque chanson une idée différente,
donnant le sentiment de passer par tout ce qui s'est fait de bien en
indie pop depuis une dizaine d'années. La plus grande réussite
étant surtout que le groupe s'est attaché à pousser chaque chanson
au maximum de son potentiel, là où beaucoup d'autres jeunes groupes
ne parviennent qu'à laisser l'auditeur sur un sentiment de
frustration. Une telle maturité dans la composition donne très
envie d'entendre la suite, et de les revoir sur scène quand ils
auront passé le cap de la rigueur formelle pour s'aventurer sur des
eaux plus tumultueuses.
Autre bonne surprise de la Route du
Rock, les Chromatics ont montré qu'ils étaient un peu plus qu'un
groupe qui a su placer une de ses chansons sur le film hype de
l'année dernière. Leur album Kill for Love parvient à étaler
l'ambiance qui faisait le charme de cette chanson sur plus d'une
heure. L'exceptionnelle maîtrise dont ils font preuve pour gérer le
rythme de leur chanson et emmener l'auditeur là où ils veulent
culmine avec le morceau de bravoure « These Streets Will Never
Look the Same », obsession de l'été. Malgré quelques
longueurs, l'album de Chromatics marie à merveille les sons
synthétiques répétitifs de la new-wave et l'amour de la chanson
bien faite, formant au final une succession de sculptures bien
façonnées recouvertes par la même couche de glace. Fait pour être
passé en soirée et pour flâner le dimanche après-midi, Chromatics
réussit à satisfaire tout le monde, dommage qu'on les réduise à
l'image faussée de « one hit wonder ».
Déjà encensés il y a 2 ans pour
avoir réussi le même exploit de sortir à la fois un album
« original » et un tube pour soirée étudiantes, Tame
Impala revenait cette année avec l'étiquette « doit
confirmer ». Je n'avais pas vraiment accroché au premier
album, et à vrai dire Lonerism ne s'annonçait pas sous les
meilleures auspices avec ses premiers morceaux gorgées d'effets
psychédéliques et sucrés jusqu'à la nausée. Quelques bonnes
lectures plus tard et le sentiment tenace que Kevin Parker savait
véritablement écrire des bijous pop m'ont poussé à me replonger
dedans. Grand bien m'en a pris puisqu'il suffit de se laisser noyer
par le déluge de l'introduction pour sourire béatement comme un
bienheureux pendant tout le reste de l'album. Chaque année apporte
son lot de chansons pop qu'on a presque honte d'écouter en boucle,
et Tame Impala reprend avec brio le flambeau des Smith Westerns en
enchaînant les tubes comme autant d'uppercuts. Sauf qu'en plus
d'être entêtant, le groupe apporte un petit quelque chose d'audace
et de culot qui fait de Lonerism bien plus qu'un album vite consommé
comme pouvait l'être le précédent. Pour ma part, le plaisir de
changer d'avis positivement sur un groupe s'ajoute à tout cela pour
que Tame Impala se glisse en haut de mes coups de cœurs sans que je
l'y pousse.
C'est la même sensation qui me fait
évoquer ici Open your Heart de The Men, alors que leur précédent
album ne m'avait que moyennement convaincu. Encore une fois, cette
succession de chansons qui font appel au meilleur du rock à guitares
des 90's et au delà ne pouvaient que me plaire, surtout quand ce son
brut est mis au service de chansons qui savent taper où il faut. Il
m'est souvent arrivé cette année d'en avoir ma claque des groupes
au son trop synthétique et trafiqué – dont font d'ailleurs partie
ceux dont je parle ci-dessus- et The Men est dans ces moments là
l'expédient idéal, avec le fabuleux Slaughterhouse de Ty Segall,
prolifique cette année. Chaque groupe apporte sa petite touche à
mes besoins musicaux, et ces deux là ont su combler le déficit de
bonnes guitares que j'avais. Opportunisme ou réel engouement, je
peux pas encore vous le dire, mais toujours-est il que c'est encore
vers eux que je me tourne en cette fin d'année. D'aucuns diront
qu'il faut encore mieux écouter les « originaux »
(comprendre les groupes qui les ont influencé) plutôt que ceux-ci,
mais une fois de plus je crois qu'à chaque mal il y a un remède, et
la nouveauté en est un.
Enfin, last but not least, le retour de
Grizzly Bear était le plus attendu après l'excellent Veckatimest
d'il y a 3 ans. Que dire si ce n'est que j'ai été frappé de
découvrir dans Shields que le groupe avait su confirmer et même
repousser ses propres limites. Certes, trois années ont passé et le
groupe de Brooklyn n'est plus le petit groupe qui monte mais
véritablement le nouveau Radiohead, entraînant par là une foule de
détracteurs toujours plus large. Pourtant il est difficile
d'imaginer comment les adorateurs de 2009 ont pu retourner leur veste
en 2012 tellement Shields est plus qu'à la hauteur de son
prédécesseur. C'est donc sans surprise que Grizzly Bear truste une
fois de plus le haut de mes satisfactions annuelles, et commence
doucement mais sûrement à s'instaurer en référence solide dans
mon esprit – catégorie de groupes qui feront l'objet de la
dernière partie de mon bilan.
Tous ces albums sont en écoute sur Spotify.
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