Memento
En ces périodes de tops, je vais
régulièrement voir ce que les voisins ont apprécié, plus pour
continuer à me rattraper sur ce qui est sorti cette année que par
souci de comparaison. Quel autre intérêt peut-on d'ailleurs y
voir ? Railler le classement de tel ou tel magazine sur Twitter
ne m'a jamais apporté beaucoup de satisfaction, alors regarder les
tops d'autres blogs pour se complaire dans son propre classement,
très peu pour moi. On a bien compris que certains étaient plus
mainstream que d'autres, mais je n'ai que très peu d'intérêt pour
ce genre de considérations, comme je l'ai déjà dit il y a peu.
C'est donc chez l'ami Panda Panda que
je me suis retrouvé, et son n°2 m'a rappelé que lui et moi étions
de précoces amateurs des Cloud Nothings à leur débuts, ayant
ensuite été relativement déçu par le passage du recueil de
chansons à l'album. J'avais d'ailleurs bien fini mon dernier article
les concernant en étant convaincu que le jeune Dylan Baldi valait la
peine d'être suivi. Las, force est de constater que je n'ai pas été
capable de suivre mes propres préceptes puisque je suis passé
complètement à coté de leur deuxième album Attack on Memory,
malgré des critiques plus que flatteuses.
Reprenons là où nous nous étions
arrêtés. Les Cloud Nothings, c'est d'abord une flopée de chansons
mal enregistrées, mais interprétées avec une spontanéité
touchante. « Hey Cool Kid » et « Real Thing »
continuent de réapparaître régulièrement dans ma liste d'écoutes
depuis plus de deux ans maintenant, et resteront comme deux de mes
chansons préférées de l'année 2010. Cloud Nothings c'est aussi
quelques projets annexes, comme Wombs avec leur batteur qui avait
remporté de nombreux suffrages en cette même année 2010. Puis les
Cloud Nothings c'est un premier album assez banal qui ne reproduisait
que très partiellement le charme des chansons qui avaient fait leur
succès. La machine s'était emballée trop vite, et le groupe est
tombé dans le piège -pourtant énorme- d'un premier enregistrement
en studio : on oublie les chansons derrière le son, et on se
tire donc une balle dans chaque pied. Difficile de repartir après
ça, et tout mon optimisme ne suffisait pas vraiment. Ne nous mentons
pas, si je suis passé à côté de ce nouvel album, c'est que
j'avais inconsciemment rangé Cloud Nothings dans la catégorie des
groupes qui ne se relèvent pas. Peut-on vraiment m'en tenir
rigueur ? Comment pouvait-on imaginer que Dylan Baldi allait
sortir un album à ce point supérieur à son prédécesseur ?
Tout y est, car Attack on Memory
bénéficie de toute l'audace, de toute la chaleur et toutes les
chansons qui manquaient au premier essai du groupe de Cleveland.
Entres autres choses, la structure de l'album joue beaucoup dans ce
renouveau. On n'y pense que trop rarement, mais l'enchainement des
chansons d'un album lui donne son relief et par la suite l'image
mentale qu'on s'en fait influence grandement les futures écoutes.
Ici on est très loin du très conventionnel premier album – 11
chansons, 2 minutes 30 de moyenne. « No Future/No Past »
fait table rase de tout ce qu'on connaissait du groupe en quelques
minutes de musique lente, décharnée et progressivement sauvage.
Comme pour nous forcer – cette fois ci - à prendre notre temps
avant de juger, Cloud Nothings ne rentre réellement dans le
format qu'on lui connait qu'après le premier tiers de l'album.
Avant, tout est tension et violence contenue, avec son lot de
destruction sonore et d'explosion pour bien faire. Et quand « Wasted
Days » est fini, Dylan Baldi nous a complètement retourné le
cerveau, en nous montrant qu'il était capable de s'imposer une
rigueur dans la composition et dans l'interprétation qu'on ne
soupçonnait pas. Passé cette formidable introduction, Cloud
Nothings est déjà plus violent et plus enthousiasmant qu'aucune de
ses productions antérieures – bien qu'évoluant dans un registre
sensiblement différent.
Ceci étant fait, le groupe lance cinq
chansons tambour battant, comme un groupe en concert qui enchaîne
les tubes après avoir plongé le spectateur dans l'ambiance voulue.
Le luxe étant même de se permettre l'incursion d'une chanson
instrumentale - « Separation » - dans un album qui peine
à dépasser la demie-heure. Voilà l'originalité et la personnalité
qu'on voulait voir chez le groupe. Enfin, Cloud Nothings sort un
album qui lui ressemble et qui ne ressemble pas à
n'importe-quel-album-de-rock. D'ailleurs, on peut ajouter que le
groupe, après s'être baladé sur plus de deux décennies de rock
énervé, a réduit son rayon d'influence à quelque chose de plus
significatif, sans pour autant perdre ce qui faisait son charme
auparavant : les refrains catchy (« Our Plans »),
les guitares qui claquent (« Cut You »). Quand on entend
« No Sentiment » on se souvient de tout ce que les années
1990 ont pu produire de mieux en rock alternatif tendance
post-hardcore. Plus surprenant et sans doute moins avouable, on
retrouve également tout un pan de pop-punk qui n'avait étrangement
pas fait beaucoup d'émules jusqu'ici (« Fall In »), mais
qui finalement fait son petit effet quand on prend la peine de
l'utiliser et de le placer correctement. Mais finalement, c'est tout
ce qui ce faisait avec une guitare dans les années 1990 que l'on
entend sans forcément réussir à mettre le doigt dessus – la
preuve en est du nombre incalculable de groupes cités dans les
chroniques de cet album.
Cloud Nothings parvient donc enfin a
être ce qu'on attendait de lui : un groupe jeune à la musique
juvénile, mais avec suffisamment de talent pour se donner un air
mature qui lisse les angles. D'aucuns diraient que c'est l'effet
Steve Albini, on peut y adhérer ou penser simplement que le groupe a
pris un peu de bouteille. Car un tel bouleversement médiatique
autour de soi quand on est entre 18 et 20 ans, ça fait forcément
cogiter plus vite que d'habitude. Après une poignée de bonnes chansons et un album qui plait à peine le temps de l'écoute, Attack on Memory rentre dans la catégorie de ces albums qui font plaisir et qu'on écoute en boucle, sans leur en demander plus. Espérons maintenant que le jeune
Baldi saurait emmener son groupe encore plus loin, car on a désormais
la certitude qu'il y a quelque chose à faire de ce garçon.
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Voilà, ça défonce :P
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