The Decemberists - The King is Dead

Je n'ai jamais tellement réussi à cerner The Decemberists. Fer de lance de la scène indie de Portland, assez florissante depuis quelques années, j'ai un peu de mal à préciser quel genre de musique ils font, au final. Tantôt très folk, tantôt rock simple, ou au contraire très travaillé et s'étirant sur des longueurs insoupçonnables, The Decemberists ne cesse de dérouter l'auditeur, et pour autant on n'est jamais tellement perdu d'un album à l'autre. Assez paradoxale cette sensation, sans doute est-ce cette constante volonté de balayer plusieurs genres qui finit par nous être familière. Elle était particulièrement présente dans The Hazards of Love, qui ne m'avait pas pour autant paru être leur meilleur album. Bref, c'est avec une certaine inquiétude que je regarde ce nouvel album, car vraiment, bien malin qui peut prévoir ce qu'ils nous réservent.

Il parait que The King Is Dead bénéficie de la contribution de Peter Buck, le guitariste de REM. J'avoue que je n'ai pas bien vu sa patte sur l'album, mais en même temps je connais très peu REM, voire pas du tout. Non, la chose qui m'a le plus frappé dans cet album, c'est sa relative homogénéité, bien loin de son prédécesseur qui s'éparpillait un peu. Et si je devais mettre un mot sur le son global de l'album, ce serait americana, bien que je ne sois pas spécialement friand de ce terme. The Decemberists assume à fond son côté folk, en élargissant de même coup tout l'héritage de la musique traditionnelle américaine. 

Sortez harmonica, violons et accordéons, on vous emmène faire un tour des Etats-Unis en cariole. Le point positif, c'est que le groupe ne met pas trop l'accent sur cet aspect country, qui aurait pu rapidement devenir grotesque. Non, au final on entend surtout un folk un peu étoffé, pas si éloigné de tout ce que les nouveaux folk-singers peuvent faire, comme Phosphorescent par exemple. "Don't Carry It All" est plutôt réussie, comme "All Arise!", et sont particulièrement chaleureuses.

Le point négatif, c'est qu'on échappe pas au steel-guitar, qui commence sérieusement à me sortir par les yeux tellement y'en a partout. C'est bien dommage, j'aime bien l'instrument au départ, mais son utilisation très importante ces dernières années m'a rendu allergique. Je ne peux donc qu'apprécier à moitié "Rise to Me", qui commence pourtant bien, ou la toute fin de l'album avec "Dear Avery". Mais je remercie The Decemberists pour avoir su créer l'ambiance propice à ce genre de passages instrumentaux, qui passent un peu mieux, je suis moins crispé, Dieu merci. Et même ces passages d'accordéon sont parfaits, même mieux que dans le dernier album de Dylan, comme dans le très beau "Rox in the Box".

Il semblerait que le groupe ait trouvé la recette pour éviter que leurs albums soient trop inégaux. Plutôt que de faire un peu de tout, ce qui conduit souvent à dire qu'une partie de l'album est dispensable, ils ont ici préféré livrer seulement 10 morceaux, et ce bloc, aussi agaçant qu'il puisse être pas ses choix musicaux, est cependant bien plus respectable. J'ai tout de même été assez amusé par le contraste énorme entre la grandiloquence de "l'opéra-rock" de l'album précédent, et l'ambiance très rustique de celui-ci. Il va sans dire que je préfère la seconde, qui me séduit par des balades folks vraiment bonnes ("June Hymn"), pour me faire avaler les morceaux les plus faciles et a priori moins intéressants ("Down by the Water") - d'ailleurs c'est peut-être ces morceaux là où on voit l'influence de Peter Buck.

Vous l'aurez compris, le gros point positif de The King Is Dead est sa forme. Pour une fois, j'ai l'impression de pouvoir appréhender l'album dans sa totalité, et je prends bien plus de plaisir à écouter ce que le groupe a à me dire. Le point où je suis un peu plus déçu, c'est que je préférais l'univers musical développé dans Picaresque ou The Crane Wife, même si ce détour par les racines de la musique américaine n'est pas désagréable. Chaleureux et attendrissant, je suis bien content de sortir de l'écoute d'un album de The Decemberists paisiblement.






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