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Affichage des articles du février, 2023

En boucle : Neil Young + Crazy Horse, au bout de la nuit.

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Dans Voyage au bout de la nuit , on peut lire « l’amour, c’est l’infini mis à la portée des caniches ». Je n’ai jamais réellement compris cette phrase que j’ai pourtant souvent aimé citer. On ne peut pas dire que Céline était pétri de qualités, mais il avait le sens de la formule, aussi obscure soit-elle. Je n’ai donc jamais vraiment compris cette phrase, mais la première fois que j’ai entendu « Love to Burn » de Neil Young et du Crazy Horse, je me suis senti comme tout petit et vulnérable face à l’incroyable assurance d’un groupe qui savait de toute évidence ce qu’il faisait et qui n’avait pas la moindre intention de s’arrêter. Une certaine idée de l’infini mis à la portée du misérable avorton d’amateur de rock que j’étais.  Je ne saurais pas vraiment dire quelle était l’intention de Neil Young lorsqu’il sort Ragged Glory . Personnellement, j’étais encore un nourrisson qui ne savait sans doute pas se retourner sur le ventre, et je n’ai découvert la chanson qu’à la faveur d’une irrépre

Photo de classes - 1943 : Benny Goodman ft. Charlie Christian, "Solo Flight"

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Aujourd'hui on fête l'anniversaire de l'autre grand nom du swing d'entre-deux guerres: le clarinettiste Benny Goodman. Mais sur ce titre enregistré en 1941 et seulement publié en 1943, ce n'est pas lui qui a la vedette, mais bien Charlie Christian, guitariste légendaire à qui on doit rien moins que les premiers solos de guitare électrique enregistrés, ou du moins ceux qui méritent qu'on parle de premier guitar-hero . Publié après sa mort d'une tuberculose, "Solo Flight" reste le principal témoignage d'un musicien dont l'influence sera considérable.      Benny Goodman and his Orchestra (feat. Charlie Christian) - "Solo Flight" (1943)

The Psychotic Monks : gros plan sur le chaos.

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The Psychotic Monks - Pink Colour Surgery (Vicious Circle, 03 février 2023) Une des formules toutes faites qu’on peut entendre à propos de certains albums est qu’il sont comme « la bande-originale d’un film qui n’existe pas ». Et si certains ont effectivement pris cette idée au pied de la lettre, la plupart du temps on veut juste se montrer bienveillant envers un ensemble de titres trop longs et répétitifs pour nous apparaître comme des chansons et pas assez accrocheurs pour qu’on n’essaie pas de trouver ailleurs un sens qu’il ne savent pas nous révéler. Au fond, l’idée est assez négative : on aurait besoin d’un film pour apprécier correctement ces albums, de la même façon qu’une bande-originale est justement composée pour servir un film, sans se substituer aux images qui en sont le vrai centre de gravité pour le spectateur. Ne bottons pas en touche : il y a un peu de ça ici, et si on faisait les comptes, l’équilibre entre habillage sonore d’ambiance et instrumentations organisées pen

Et si... Jimi Hendrix était vivant ?

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En quatre albums dont un live et surtout une quantité de concerts ayant fait forte impression, il est clair que la courte carrière de Jimi Hendrix aura marqué son temps et inspiré bon nombre de ses contemporains. De Paul McCartney à Miles Davis en passant par Eric Clapton, son talent de musicien et sa virtuosité ont fait l’unanimité dès son vivant. De là, on peut se poser la question : et s'il n’était pas mort ? Aurait-il poursuivi une carrière à la Miles Davis ou à la Eric Clapton ?  Une bonne uchronie doit nécessairement faire le point sur le contexte à partir duquel nous faisons diverger l’Histoire. L’année 1969 est déterminante pour notre histoire. Seule année de la carrière de Jimi où il n’a sorti aucun album, c’est pourtant celle qui le voit à la fois dissoudre l’Experience avec qui il avait décollé et rentrer dans la légende avec son concert à Woodstock dont les images resteront à jamais associées à son style ravageur. Côté studio, l’année 1969 n’est pas avare en s

Argentina, 1985 : le poids des maux

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Argentina, 1985 , de Santiago Mitre (Argentine, 2022), sur Amazon Prime Video.   « Messieurs les juges, la communauté argentine mais également la conscience juridique universelle m’ont confié l’honneur de me tenir devant cette cour pour réclamer justice. » Interprétant ici le procureur Julio Strassera, Ricardo Darín prononce ces mots après vingt secondes de silence durant lesquels le spectateur, à l’image de la salle d’audience, retient son souffle. Arrivant dans le dernier quart du film, son réquisitoire constitue à la fois le dénouement et le point culminant d’un scénario qui n’a cessé de faire comprendre que tout se jouerait à ce moment précis. Et effectivement, les mots reproduits ici témoignent de l’importance de ce discours non seulement à l’échelle du film, mais également à l’échelle du peuple argentin qui en est le public principalement visé. Du reste, sa production et sa diffusion sur la plateforme d’Amazon achève de faire de cette confrontation verbale non pas seulement la l

Photo de classes - 1933 : Duke Ellington, "Stormy Weather"

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Aujourd'hui on fête l'anniversaire de l'artiste incontournable du jazz pré-1959 : Duke Ellington. Avec un titre instrumental dont la version la plus connue est celle  -chantée cette fois- d'Ethel Waters, sortie la même année. Mais sans faire offense à la chanteuse, il était impossible de ne pas rendre hommage à cette ambiance swing jazz où les cuivres et bois se substituent à la voix pour un résultat qui produit toujours son petit effet. Duke Ellington and his Famous Orchestra - "Stormy Weather (Keeps Rainin' All the Time" (1933)

En boucle : Italia 90, kick and rush contemporain

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Mais pourquoi donc vouloir associer sa musique au Mondial 1990, ses coupes mulet, ses cartons rouges, sa mascotte nulle et ses matchs navrants ? L'idée est saugrenue pour n'importe quel amateur de football, sauf que le groupe de post-punk qui a choisi ce nom nous vient d’Angleterre, et de ce point de vue, Italia 90 évoque Gascoigne et Lineker, une défaite héroïque en demi-finale que le buteur suscité commentera avec fatalité, mais aussi une certaine renaissance pour un football anglais dont la dernière décennie a surtout été marquée par le hooliganisme, les drames et l’instrumentalisation politique de Margaret Tchatcher (1) . L’Italie 90, c’est peut-être finalement le dernier moment où l’Angleterre était vue comme l’enfant terrible de l’Europe, ce pays dont la population avait tellement de mal à rentrer dans le rang, avant de devenir la vitrine du football moderne, cynique et aseptisé qu’on connaît aujourd’hui. La beauté dans la laideur, la fierté dans la défaite, la nostalgie