That rug really tied the room together, did it not ?

Lorsque les frères Coen reviennent au centre de l'actualité cinématographique, ce qui arrive plus ou moins tous les ans à la même période, il est de bon ton de dire que de toute façon, ils nous resservent toujours le même plat à des sauces différentes. On ne saurait dire le contraire. L'oeuvre des Coen Bros est marquée par des thèmes très récurrent, voire systématiques, et on peut assez facilement prédire à quoi ressemble leurs films sans les avoir vus. Ou du moins, il paraît facile de le faire. Car malgré les nombreux défauts qu'on peut lui imputer sur la trame de leurs scénarios, le duo de réalisateurs fournit quasiment toujours un gros travail sur la forme générale qu'ils donnent à leurs films.

Que ce soit avec des gros succès populaires comme The Big Lebowski ou avec des films plus confidentiels comme Barton Fink ou le dernier en date A Serious Man, à chaque fois on ne peut qu'admirer la qualité incroyable du film. Il y a bien sûr l'esthétique, mais à la longue ce n'est plus une surprise. Non, ce qui peut paraître le plus impressionnant est la qualité des dialogues. Parce que quand on dit d'un réalisateur qu'il fait toujours la même chose, la plupart du temps cela se ressent dans les dialogues, au delà du scénario. On va avoir des répliques accrocheuses qui semblent avoir été écrites en totale indépendance du contexte du film. C'est ce que le réalisateur a voulu dire, pas le personnage qui s'efface derrière son créateur en quelque sorte.

Alors que les Coen semblent conserver encore et toujours ce goût d'écrire des histoires et de créer des personnages. J'en prends pour exemple Fargo, sorti en 1996, et No Country for Old Men, sorti en 2008. Ces deux films paraissent être le reflet l'un de l'autre. Ce sont les deux seuls films que l'on peut classer comme « thriller » chez les Coen. On a une histoire d'argent, de gentil finalement peu scrupuleux, de méchant qui semble dépourvu d'âme, et un policier qui assiste à la débâcle. C'est un enchevêtrements d'évènements malencontreux, dont les personnages essaient de s'extirper dans une ambiance sordide, plus ou moins grotesque selon les cas. Et bien sûr, on a une fin purement coenienne où un personnage-spectateur analyse ce qu'il vient de se passer, manifestant son incompréhension face à la bêtise humaine, et constatant avec effroi que la société a atteint un point où certaines personnes semblent dénués d'humanité.

Pourtant, malgré ces points communs assez flagrants, les deux films sont bien différents. Et j'ai choisi deux dialogues pour montrer comment les Coen ont su réaliser ces deux films de manière bien distincte. D'une part, on a cette scène de Fargo. On y voit bien l'omniprésence du climat glacial, et le côté assez grotesque de la façon de parler des gens du Minnesota. A l'image du film, le dialogue est assez sordide, puisqu'on y voit un homme, banal et innocent, racontant sa rencontre avec un homme stupide mais déterminé à se faire respecter, en méchant qu'il est. Il y a ce double visage de la région, entre la population réputée gentille, sympathique et serviable, et l'autre pendant, qui supporte mal l'ambiance locale, ce à quoi renvoie « I'm going crazy out there at the lake. » Et puis bien sûr, il y a la meilleure expression qu'on ait pu trouver pour qualifier le physique de Steve Buscemi: « Kinda funny lookin' ».


Ensuite, on a cette scène de No Country for Old Men, qui ne sert à rien pour l'intrigue, puisqu'on y voit seulement le terrifiant Anton Chigurh y faire des emplettes. Mais rien de mieux que ce dialogue ne pourrait caractériser le personnage. Je passe sur le travail génial qui a été fait pour donner cette apparence au personnage, en plus du jeu de Javier Bardem. On ressent physiquement toute la tension qu'amène chaque réplique de Chigurh, dont la seule présence à l'écran suffit à faire frémir. Contrairement à Fargo, pas d'humour dans No Country for Old Men, ou très peu. Juste ce personnage, un électron libre, totalement imprévisible, qui peut vous amener à jouer votre vie à pile ou face parce que vous avez voulu bavarder. On navigue dans le non-sens total vers la fin, ce qui renforce cette sensation qu'il semble impossible de déterminer ce qui pousse Anton Chigurh à faire tel ou tel choix. Il y a une gratuité totale dans les décisions de ce personnage qui est proprement terrifiante.



Bref, entre ces deux films très similaires, dont on pourrait facilement dire que l'un n'est qu'une variante de l'autre, il y a pourtant tout un monde. Deux ambiances totalement différentes, que les Coen exploitent dans les moindres recoins. Et c'est pour ça que même s'ils font toujours la même chose, ils continuent à faire de bons films. En attendant True Grit, qui s'annonce particulièrement prometteur, à en croire les premiers retours aux Etats-Unis, et le nombre incroyable de nominations au Oscars.

-Les dialogues sont dans les commentaires-

Commentaires

  1. -So, I'm tendin' bar there at Ecklund and Swedlin's last Tuesday, and this little guy's drinkin' and he says, "So where can a guy find some action? I'm goin' crazy out there at the lake." And I say, "What kinda action?" and he says, "Woman action, what do I look like?" And I say, "Well, what do I look like, I don't arrange that kinda thing," and he says, "I'm goin' crazy out there at the lake," and I say, "Well, this ain't that kinda place."
    -Uh-huh.
    -So he says, "So I get it, so you think I'm some kinda jerk for askin'," only he doesn't use the word "jerk."
    -I understand.
    -And then he calls me a jerk, and says the last guy who thought he was a jerk was dead now. So I don't say nothin' and he says, "What doya think about that?" So I say, "Well, that don't sound like too good a deal for him, then."
    -Ya got that right.
    -And he says, "Yah, that guy's dead, and don't mean of old age." And then he says, "Geez, I'm goin' crazy out there at the lake."
    -White Bear Lake?
    -Well, Ecklund & Swedlin's, that's closer ta Moose Lake, so I made that assumption.
    -Oh sure.
    -So, ya know, he's drinkin', so I don't think a whole great deal of it, but Mrs. Mohra heard about the homicides down here and she thought I should call it in, so I called it in... End o' story.
    -What'd this guy look like, anyway?
    -Oh, he was a little guy... Kinda funny lookin'.
    -Uh-huh. In what way?
    -Oh, just in a general kinda way.

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  2. -What time do you close?
    -Now. We close now.
    -“Now” is not a time, what time do you close?
    -Generally around dark. At dark.
    -… You don’t know what you’re talking about, do you?
    -Sir?
    - I said you don’t know what you’re talking about. What time do you go to bed?
    - Sir?
    -You’re a bit deaf, aren’t you? I said, what time do you go to bed?
    -Oh, somewhere around 9:30. I’d say around 9:30.
    -I could come back then.
    -Why would you coming back? We’ll be closed.
    -Yeah, you said that.
    -Well, I got to close now.
    -You live in that house out back?
    -Yes, I do.
    -You lived here all your life?
    -Well, this is my wife’s father place, originally.
    -You married into it?
    -We lived in Temple, Texas for many years. Raised a family there, in Temple. We come out here about four years ago.
    -You married into it.
    -That’s the way you want to put it.
    -Well, I don’t have some way to put it. That’s the way it is.
    -What’s the most you’ve ever lost on a coin toss?
    -Sir?
    -The most you’ve ever lost on a coin toss.
    -I don’t know. I couldn’t say.
    - Call it.
    -Call it?
    -Yes.
    -For what?
    -Just call it.
    -Well, we need to know what we’re calling it for here.
    -You need to call it. I can’t call it for you, or it wouldn’t be fair.
    -I didn’t put nothing up…
    -Yes, you did. You’ve been putting it up your whole life. You just didn’t know it. You know what date is on this coin?
    -No.
    -1958. It’s been travelling 22 years to get here. And now it’s here. And it’s either heads or tails. And you have to say. Call it.
    -Well, look, I need to know what I stand to win.
    -Everything.
    -How’s that?
    -You stand to win everything. Call it.
    -All right. Heads, then.
    -Well done.
    -Don’t put in your pocket, sir. Don’t put it in your pocket, it’s your lucky quarter.
    -Where do you want me to put it?
    -Anywhere, not in your pocket. Or it’ll get mixed in with the others and become just a coin.
    -Which it is.

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