Sucker Punch, de Zack Snyder

Ne me jugez pas ! Je sais, j'avais dit que je travaillerais, et que je ne reviendrais que quand j'aurais terminé et blabla et blabla. Mais c'était juste un tout petit film avant de vraiment m'y mettre vous voyez ! Et puis d'abord je trouve que j'ai été assez productif. Et quand je me trouve productif, je vais au cinéma. L'an dernier, en plein concours, je suis allé voir Iron Man 2. Ca m'avait fait bien plaisir, parce que le film était très drôle. Genre on s'en fout du scénario, on se contente de faire des dialogues kitsch et d'en mettre plein la vue. Du coup, pour cette année, mon film s'est imposé comme une évidence: Sucker Punch. Sur le papier, c'est un navet. C'est vrai quoi, une fille qui se fait enfermer dans un asile et puis plein de rêves imbriqués où elle combat des méchants, ça vaut pas grand chose. Oui mais voilà, Sucker Punch, c'est Zack Snyder. Le mec qui a réussi à adapter Watchmen au cinéma, en parvenant non seulement à donner vie à la BD d'Alan Moore, mais également à renforcer autant que possible les ambiances et les caractères. Snyder assume complètement son côté fantasque, le réalisateur bourré de tics qui s'en fiche un peu d'avoir l'air cliché. Le pari avec ce dernier film était pourtant de taille: pour la première fois il n'allait pas pouvoir s'appuyer sur un scénario qui a déjà fait ses preuves par ailleurs. Non, cette fois-ci il fallait se débrouiller tout seul.

Et je dois dire que ce scénario, aussi bidon puisse t-il paraître, est une bonne surprise en fait. Ca devient une habitude, Snyder nous signe un générique d'anthologie où il jette les bases de son histoire le temps d'une reprise de "Sweet Dreams" avec gros plans et ralentis. Là où Inception avait traité le rêve de manière froide et méticuleuse, Sucker Punch insiste davantage sur son aspect métaphorique et bordélique. Ainsi le premier niveau de réalité dépeint un asile psychiatrique sordide avec un infirmier général peu scrupuleux. Le rêve transcende l'atmosphère et les personnages en faisant de l'asile un tripot de luxe, où les internées sont des prostituées, et l'infirmier un proxénète. Cet univers est une vraie réussite, et on débarque dans une sorte d'Alice au pays des Merveilles moderne particulièrement convaincant. Et là où Snyder se fait plaisir, c'est qu'il n'oublie pas que le rêve fonctionne en mélangeant allègrement tous les codes de notre subconscient. Il concocte donc un plan d'évasion basique où l'on doit partir à la quête d'objets, comme dans les vieux jeux-vidéos, chaque quête étant un autre niveau de rêve. Le second niveau de rêve est donc le plus improbable, car la jeune Baby Doll se retrouve dans un univers qui invoque en vrac des références aux jeux-vidéos, comics, manga et films d'action qui accouchent de plusieurs scènes visuellement frappantes.

D'ailleurs on dirait que c'est presque là que réside tout le plaisir de Snyder, comme si tout le reste n'avait servi qu'à aboutir à ces quelques scènes. Imaginez plusieurs Mission Impossible où les ennemis seraient tantôt des samouraïs géants, des soldats zombies, des orcs, des dragons, des robots tueurs... Tout ça mis en scène dans des scènes d'action digne de Matrix. Si vous trouviez que Snyder en faisait déjà trop dans ses films précédents, pas la peine de s'attaquer à celui-là. Chaque scène joue la surenchère dans les effets de ralentis, les explications grotesques de l'instructeur et ainsi de suite. D'ailleurs, si la première de ces scènes est époustouflante, les suivantes deviennent rapidement fatigantes, et ce malgré le côté exaltant qu'il peut y avoir à regarder des femmes courts vêtues dégommer des monstres à tour de bras. Ce genre de cinéma ne peut vraiment plaire qu'à des personnes qui ont déjà pris leur pied sur un jeu type beat'em all. Ce commentaire s'applique surtout aux scènes sus-citées, mais également au film dans sa globalité. Je disais qu'il semblait que Snyder avait tout misé sur ces scènes. En effet, elles correspondent à des « danses » dans le niveau inférieur, et le réalisateur s'amuse à montrer les personnages époustouflés, se permettant même un « Vous n'allez pas en croire vos yeux », évidemment un message surtout destiné au spectateur, comme à dire « Là ça devient vraiment amusant ! »

Pour autant il ne faut pas négliger le reste du film, d'autant plus que ces quelques scènes ne suffiraient pas à nous combler. Malgré quelques dialogues un peu niais, qui cette fois-ci ne semblent pas rentrer dans une politique du pastiche, le reste du film n'a pas été réalisé à la va-vite. Déjà parce que Zack Snyder reste toujours synonyme de perfection technique. La bande-son est une fois de plus terrible (pas en elle-même, mais elle colle parfaitement), les ralentis et les gros plans, même s'ils sont sans doute trop présents, font toujours leur petit effet. Le rythme du filmest certes très soutenu, mais ce n'est pas un mal étant donné que Snyder épuise assez vite ses cartouches. Ainsi, le milieu du film devient trop linéaire en répétant 3 fois le même processus, et change de rythme juste au moment où ça commençait sérieusement à devenir lassant... Ouf. La mise en scène est extrêmement dynamique, et c'est assez impressionnant de voir comment Snyder parvient à donner toute une ampleur à ses personnages juste avec quelques plans. C'est à se demander pourquoi on a décrété que cette manière de filmer était trop kitsch tellement elle fonctionne. Bon, c'est sûr que ça rentre dans l'ambiance globale du film qui exacerbe tout ce qu'il touche. Pas de nuances dans Sucker Punch, on va d'un extrême à l'autre sans intermédiaire. Le film n'en est pas moins dénué de moments poignants et de double-sens subtils. Oscar Isaac s'affirme une fois de plus comme un acteur doué dans quelques scènes où il joue avec un cynisme incroyable. Les actrices sont plus anecdotiques, et il est décevant de voir Jon Hamm sous-exploité.

Au final Sucker Punch n'est sans doute pas le meilleur film de Zack Snyder, ne serait-ce que parce qu'il ne bénéficie pas d'un scénario de la même qualité que celui de Watchmen. Mais le réalisateur affirme une personnalité intéressante, en mettant en avant le divertissement et le plaisir des yeux, sans pour autant bâcler le scénario, ce qui le rend tout de même plus intéressant qu'Avatar ou une attraction du Futuroscope*. Sucker Punch pourrait être vu comme le film de divertissement ultime, et il a peut-être été conçu comme tel, mais malheureusement il trouve trop vite ses limites pour pouvoir convaincre du début à la fin. Cependant Snyder a montré qu'il ne manquait pas de talent, et on suivra avec attention la suite de ses productions, à commencer par un remake de Superman, qui me fait d'ores et déjà frémir d'excitation.




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*: Qui a dit que c'était la même chose ?

Commentaires

  1. J'ai vu ce film il y a une bonne semaine en streaming(parce que jamais je prendrais le risque de voir ça au ciné, même bourré), et je proteste contre cette critique, mais vachement, quoi.

    J'ai beaucoup beaucoup aimé Watchmen, j'ai bien rigolé devant les bastons outrancières et caricaturales de 300 (qui d'ailleurs tenaient déjà dans le comic), mais putain non, comment soutenir Sucker Punch ? Comment parler de bonne surprise ?
    Scénario bidon, on l'a dit, pas besoin de revenir dessus vu que c'est Snyder qui l'a écrit et que visiblement il ne sait pas écrire de scénar'. Mais par contre on peut revenir sur ce générique qui moi m'a quand même bien bien gavé dès le début : les ralentis inutiles, les gros plans, c'est déjà un tic de cinéaste (et encore je dis de cinéaste, mais c'est surtout un tic de couillon de clippeur : Sans déconner ce mec a un vrai problème avec les hachettes et les épées jetées qui passent au ralenti. Il en met une ou deux par film pour... ne rien dire en fait, il trouve juste ça cool), mais nous infliger Sweet Dreams, ce truc ultra-bateau, ultra repris, ultra-téléphoné ("Attention les djeun's ça va être une entrée dans un univers fantasmé, parce que la chanson parle de rêves doux mais torturés, comme l'héroine, hein les djeun's c'est trop bien trouvé comme intro hein ?") A la limite l'original aurait pu montrer quelque chose de marrant, mais nous balancer une copie de la version de Manson avec une voix insupportable d'idole de lycéenne, genre un hybride de Pink et d'Avril Lavigne, c'est vraiment se complaire dans la pure gadoue adolescente.

    Et encore, non, c'est pire que ça. C'est ce qu'on veux faire passer pour une histoire caricaturale d'adolescentes torturées, alors qu'en fait c'est du porno chic pour fan de jeux vidéo, mais attention c'est toujours consensuel, c'est propre, on précise bien les âges des personnages (la vingtaine), pour se défendre de les maquiller et de les habiller comme des putes thailandaises. Pourtant l'actrice principale ressemble à une gosse de 15 piges, et on accentue encore ce coté "Baby Doll" avec une tenue d'écolière.

    Le film est un daube totale parce qu'il tente de faire croire à une histoire alors, soyons honnête tout le monde veut voir du morceau de cul et de la baston qui pète de partout. Seulement là, arnaque ! Pas de cul évidemment, c'est Hollywood et la baston n'en est pas une une puisque les adversaires n'existent pas : des samourais géants qui saignent des lumières de néons, des allemands à vapeurs, des robots... A aucun moment on ne tue "pour de vrai", tout est virtuel, mais jamais onirique. Pourquoi ? Parce que personne ne rêve de façon aussi cheap et hystérique. Dommage pour un film qui prétend être l'histoire d'un retranchement dans le rêve justement... Pour essayer de toucher au vrai rêve on peut citer des dizaines de mecs qui y arrivent sans avoir besoin de filmer avec des angles foireux et des ralentis partout. Genre Jodorowski avec des messes au LSD et des éléphants, ou des oiseaux qui sortent de cadavres. Même Nolan dans Inception qui pourtant filme pas vraiment comme un psychotique, arrive à nous faire croire à tout avec des touches parcimonieuses d'images barrées... Sucker Punch c'est juste de la thune investie pour en rapporter plus. Aucune émotion, aucun propos, aucune raison de tourner un film en fait.

    Alors on peut toujours dire que c'est du divertissement, que c'est pour se détendre, sans prétention... Mais même là, la pseudo-histoire parasite le défouloir, et les actrices jouent toutes de façon atrocement maniérée. A tel point que lorsque Baby Doll se prend un coup de pic à trépaner dans l'oeil j'ai été déçu qu'elle s'en prenne pas quatorze autres, histoire de rigoler un peu. Tant pis, ça restera donc chiant.

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  2. Mais attends aussi, tu l'as regardé sur ton ordi ! C'est vraiment une bonne surprise parce que non seulement les scènes d'action sont réussies, mais en plus le scénario n'est pas totalement vide. Y'a vraiment tout un jeu de résonnances entre les différents niveaux et pas mal de clins d'oeil au spectateur. Enfin j'trouve pas ça beaucoup moins fin que Black Swan quoi ! Au moins Snyder assume de bout en bout qu'il a écrit son film pour se faire plaisir, et il a su trouver la bonne histoire pour pouvoir faire n'importe quoi.

    C'est pour ça, j'pense que tu attaques le film par un mauvais angle: Snyder assume tout. On ne peut pas ne pas assumer recycler tout les mauvais films d'action et jeux-vidéos (un peu à la manière d'un Robert Rodriguez en fait). "Sweet Dreams" c'est ultra voulu, c'est l'image ultime du recyclage infini.

    Après, si tu veux voir du vrai cul et de la vraie violence, c'est sûr que c'est le mauvais film. Parce que justement il essaie de bien montrer que tout ça est faux, ce qui fait qu'on n'a aucune réelle empathie pour la personnages, on a juste envie de les voir se bastonner. Et puis franchement, un gamine en tenue d'écolière sexy qui massacre des samourais géants, je trouve tellement énorme d'oser mettre ça sur un écran...

    Par rapport à Inception, les deux films ne se placent pas au même niveau. Nolan a plus de prétention que Snyder. Et c'est peut-être ça qui est énervant avec Snyder, c'est qu'il a des tics qui ont l'air de faire prétentieux alors qu'il se prend jamais au sérieux. Il suffit de voir la scène de cul dans Watchmen quoi...

    Bref, comme tu dis (et comme je l'ai dit) c'est un film pour fans de jeux-vidéos et pour tous ceux que ça fait marrer de voir une grande partouze de pop culture. Bien sûr le films trouve rapidement ses limites, mais ça fonctionne plutôt pas mal.

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  3. Je vais faire court, ce film est une catastrophe absolue, d'une stupidité profonde, avec des acteurs sous charismatiques, une bande son ineffable et un scénario original mais mis en scène de façon pompeuse et linéaire.

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