Complete silence

Je profite de mon absence pour laisser la parole aux lecteurs. Aujourd'hui, un courrier de Jane, que certains connaissent pour être mon ancienne collaboratrice sur feu The Innocent Bystanders, étudiante en cinéma spécialiste d'Abbas Kiarostami à l'université Paris III dit de la Sorbonne Nouvelle (ça en jette dit comme ça).

Cher Joris,

Tu délaisses ton blog et c'est mal. Tu n'as pas le temps, soit. Mais je ne t'écris pas pour te parler de cela.

Je t'avais dit un jour, je m'en souviens très bien, que dans mon esprit, un plan très beau pouvait sauver un film, qu'une utilisation de l'espace bien pensée pouvait créer de la beauté, qu'une simple musique déclenchée au bon moment permettait cette espèce de pression sur le sternum, cette respiration qui s'accélère, bref, comme disent les gens dans ma fac "ces moments de cinéma" (même si je trouve cette phrase un peu niaise).

Il y a un film, que j'ai vu ce matin, dont j'aimerai bien te parler pendant des heures. Seulement, je vais essayer de te convaincre en peu de mots, sinon, il n'y aurait pas de challenge. Je pourrais te passer aussi directement les premières scènes, mais ça ne servirait alors à rien que je t'écrives un mail (et puis j'aime bien le son que font les touches quand mes ongles les frappent, mon côté fin de siècle, vois-tu).

Donc, ce film, il est hongrois. Oui, dit comme ça, ça refroidit. Je te dis tout directement alors. Noir et blanc, 2h25 et (seulement!) 39 plans.

C'est l'histoire d'un homme, d'un cirque, d'une ville, d'une baleine empaillée, d'un prince qu'on dit nain à trois yeux, d'émeutiers destructeurs à sa solde et d'une musique obstinée. Voilà à peu près ce qu'on peut en dire.

Je sais que tu as peur des 39 plans, tu penses que c'est une performance stupide de cinéaste. Quand je te dis qu'un plan peut sauver un film, je te parle d'un plan superbe, ici, c'est 39 plans superbes. Tellement superbe qu'on ne se rend même pas compte, quand tu le verras, essaie de distinguer les coupures (tu verras aussi que certains personnages sont doublés en hongrois, je t'expliquerai un jour si tu veux).

Un truc du genre, avec une vidéo tu vois:



Les Harmonies Werckmeister, de Béla Tarr, 2001.

Commentaires

  1. Cher Jane,

    Tu sais la Hongrie, j'ai appris à aimer avec mon super cours de médiévale où j'ai du apprendre le contenu des règnes de Béla IV et autres Wladislaw II Jagellon.
    Sinon, présenté comme ça, ça fait penser à Hitchcock. 39 plans comme les 39 marches, le principe fait penser à La Corde...
    Le plan est vraiment beau oui, même si le film a l'air sorti d'une sélection alternative de la Berlinale. Mais quand tu dis qu'il peut sauver un film, c'est que le reste du film n'est pas à la hauteur ? Ca a l'air costaud à regarder, mais pas mal quand même.

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire