On the road

Certains d'entre vous connaissent peut-être la compagnie Eurolines. Pour les autres, c'est ce qui vous permet de voyager à peu de frais dans toute l'Europe. Contre-partie: c'est en car, et c'est long. Pour vous, j'ai supporté 44h de trajet aller-retour, et j'en ai tiré quelques leçons que je vous fait à présent partager.

Le chauffeur:

Qui est-il ? Bien qu'il conduise un car international, le chauffeur ne sait pas qu'il y a des gens de différentes nationalités à l'intérieur. C'est pourquoi il ne parlera qu'une seule langue, la sienne. Pour autant, le chauffeur est compréhensif, et si on ne comprend pas ce qu'il dit, il se fera un plaisir de répéter. Toujours dans sa langue natale. Comme il a beaucoup d'humour, il fait régulièrement des blagues. Si vous ne la comprenez pas, ou que vous ne rigolez pas, il ne s'en formalisera pas et rira tout seul de bon cœur.

Le chauffeur tend parfois à confondre transport en commun et véhicule personnel. Il lui arrive donc de s'arrêter pour manger un bout, même quand le car n'est parti que depuis une heure. Et s'il a une soudaine envie d'écouter de la musette à fond, il en profitera pour faire partager sa passion avec tous les voyageurs. De même, il a des goûts assez particuliers en matière de cinéma. Il pourra donc vous arriver de regarder un combat de kung-fu entre Chuck Norris et David Carradine, vers une heure du matin.

Comment l'éviter ? On ne peut pas l'éviter. Le chauffeur est le lot de tout voyageur, il est compris dans le prix, et c'est sans doute pour cela qu'il se permet autant de choses.

Ce qu'on voudrait lui dire mais qu'on ose pas: Rien, après tout, le chauffeur est gentil et puis c'est pas un métier facile, avec tous les connards qu'il y autour.

L'étranger enthousiaste

Qui est-il ? Il y a toujours un moment où vous vous retrouvez à côté de quelqu'un. Et souvent c'est un étranger. Quand il est anglais ou espagnol, ça va parce qu'on peut discuter un petit peu. Dans le cas contraire, il pourra vous faire vivre les heures les plus longues de votre vie. Il est rarement seul, mais le sort l'a éloigné de ses amis. C'est pourquoi il remue énormément pour se faire remarquer de ceux-ci. Comme le chauffeur, il a beaucoup d'humour et adore plaisanter avec tous ceux qui voudront bien lui prêter attention. Chaque geste que vous ferez sera donc susceptible d'entraîner une vanne, qui le fera bien rigoler, ainsi que ses amis, qui seront les seuls à avoir compris le trait d'esprit. 

La nuit tombée est le moment le plus redoutable pour vous. Ses amis s'étant endormis, il se retourne vers vous, et commence à vous parler des raisons qui l'ont amené à voyager. S'ensuit un moment long et pénible où vous engagez une conversation formelle et inintéressante avec lui, alors que vous étiez parti pour vous endormir. L'étranger enthousiaste a aussi pour particularité de ressentir le besoin de faire savoir qu'il est réveillé. Ainsi, après chaque pause dodo il ira demander à ses amis ce qui s'est passé en son absence. Pas grand chose, évidemment, mais il le fera systématiquement.

Comment l'éviter ? Ne bougez pas, ne relancez pas la conversation. Il finira par se fatiguer et arrêtera de vous parler. Mieux vaut un malaise silencieux qu'une conversation ennuyeuse. C'est lâche, mais c'est la seule solution.

Ce qu'on voudrait lui dire mais qu'on n'ose pas: « JE NE PARLE PAS PORTUGAIS, ON NE SE COMPREND PAS, ALORS LAISSE MOI DORMIR. »

Les français

Qui sont-ils ? Sans doute que les français sont les plus énervants parce qu'on comprend tout ce qu'ils disent. Mais des fois je me demande si on est pas particulièrement cons. Les français adorent raconter leur voyage en montrant à quel point il a été enrichissant, là où les espagnols et les italiens se contentent de rire grassement. Contents d'avoir appris quelques mots de vocabulaire, ils apprécient parler un français mêlé de mots étrangers, sans doute pour avoir l'air cool. Ca ne l'est pas. C'est insupportable. « Quand est-ce qu'on va llegar ? Il avait dit qu'on s'arrêterait à las tres pour comer ».

Les français s'extasient de la différence des cultures. Comme tout bon occidental, la visite d'une région un peu plus pauvre conduit à de nombreuses réflexions sur la chance d'être français et sur l'humilité du peuple autochtone. Les français adorent tous les petits aspects pittoresques des régions qu'ils visitent. Les petites boutiques arabes ? C'est formidable ! Mais dès qu'un marchand s'est fait un peu trop insistant, on se félicite de lui avoir donné une leçon de savoir-vivre homologuée par Le-pays-des-droits-de-l'homme©. 
 
Si vous avez un peu de chance, les français ne se seront pas rendus compte que vous êtes également français. Cela a l'immense avantage de vous épargner une invitation à partager leur réflexions. Et puis on pourra même se payer le luxe d'entendre ce qu'ils pensent de vous, puisque les français adorent commenter ce qui se passe autour d'eux, partant du principe que personne d'autre qu'eux n'est français.

Comment les éviter ? Munissez-vous d'un bon casque et d'un baladeur bien chargé pour couvrir leurs inepties. Ne bougez-pas, évitez de faire quelque chose qui pourrait montrer que vous êtes français. 

Ce qu'on voudrait leur dire mais qu'on n'ose pas: « JE COMPRENDS CE QUE TU DIS CONNASSE, ET TU N'AURAS AUCUN DE MES COOKIES. »

Le messie

Qui est-il ? Le messie n'est pas propre aux transports internationaux. Il est partout. C'est une de mes plus grandes terreurs. Le messie se présente sous la forme d'un homme d'apparence banale, sans style et sans charisme. C'est Jean-Michel dans L'Auberge espagnole. Il est seul, et ne se fait pas remarquer. On le distingue par son regard acéré qui guette le moindre signe d'attention. S'il s'est aperçu que vous l'avez remarqué, il engagera la conversation, et vous êtes piégé. Très aimable, il parviendra toujours à transformer un échange anodin en un long monologue passionné autour de sujets divers. Le messie fait comme si vous lui aviez posé une question sur un sujet inintéressant, et se met à y répondre en détail avec force gestes et phrases choc. 

Zoologie, médecine, sociologie, psychologie, histoire, tels sont ses domaines de prédilection. Il préférera s'attaquer à quelque chose de confidentiel pour pouvoir étaler son opinion sans que l'on ne lui oppose résistance. Il connait tous les secrets et les dessous des grandes affaires de ce monde, et il se délecte du regard ignorant que vous lui adressez alors qu'il vous apprend la vie. Le messie connait tellement de choses et son opinion est si subversive qu'il ferait passer Monsieur X de France Inter pour un amateur. Son argumentaire est simple. Il commence par établir un tableau général de la situation, en usant d'adverbes visant à vous rabaisser comme « évidemment » ou « effectivement ». Puis arrive la phase de l'épiphanie: « Alors, on dit que... Mais la vérité/la vrai raison, c'est que... ! ». Le messie aime à faire croire qu'il a fait des recherches poussées sur tous les sujets, mais la vérité, c'est qu'il est juste trop seul pour pouvoir partager avec quelqu'un tous les mauvais reportages qu'il regarde la nuit à la télé.

Comment l'éviter ? On ne peut éviter le messie. C'est lui qui viendra vers vous sans que l'ayez interpellé, et généralement on ne le repère pas de vue. Vous ne pouvez que croiser les doigts en espérant qu'il ne soit pas à côté de vous. S'il vous a mis le grappin dessus, il ne s'arrêtera jamais, car il a toujours quelque chose à dire. Vous avez alors deux solutions: soit vous baillez ostensiblement en espérant qu'il ait pitié de vous, soit vous contre-attaquez en lui opposant à votre tour un monologue, et vous priez pour qu'il sache comment clore la conversation. 
 
Ce qu'on voudrait lui dire mais qu'on n'ose pas:  « TA GUEULE. »

Commentaires

  1. Sans oublier le chauffeur pour qui c'est la première fois en France et qui te fait arriver avec 6h de retard à force de se perdre...
    Ce que tous les passagers voudraient lui dire : "Laisse moi prendre le volant, par pitié!"

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